RESUMES

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COORDINATEUR SCIENTIFIQUE DE LA BIENNALE EDITION 2019 :

« Du malentendu dans la chanson »

1-3 avril 2019, Aix-en-Provence

Joël JULY, Maître de conférences, Littérature française

Université d’Aix-Marseille

Joël JULY enseigne, en tant que maître de conférences, la langue et la littérature françaises à la faculté d’Aix-en-Provence (AMU, Aix-Marseille Université). En 2002, il a soutenu une thèse de doctorat en linguistique sur les chansons de Barbara (Les Mots de Barbara, PUP, 2004) et a dirigé les rééditions de L'Intégrale (L'Archipel, oct. 2012, nov. 2017). Il est aussi l’auteur d’un essai chez l’Harmattan en 2007, Esthétique de la chanson française contemporaine, qui cherche à circonscrire les effets popularistes (prosaïsme, néologie, figements, énonciation, polyphonie, coq à l'âne, ellipses, mise en voix) de cet art populaire. Il participe à la plupart des ouvrages universitaires qui s'interrogent sur le genre chansonnier. Un colloque qu'il a organisé en 2014 a initié au sein des PUP la collection « Chants Sons » sous le titre Du collectif à l'intime. Il coordonne en 2018, en collaboration avec Pascal Pistone, un volume sur Léo Ferré : Ferré... vos papiers ! Stylisticien de formation, formateur et juré pour les concours, il est cofondateur de l'AIS (Association Internationale de stylistique) où il coordonne avec Brigitte Buffard Moret un séminaire sur la chanson.

 

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Perle ABBRUGIATI, Professeure, Littérature italienne

Université d’Aix-Marseille

Perle ABBRUGIATI est Professeure de littérature italienne à Aix Marseille Université, elle est responsable de l’axe du CAER intitulé « Écriture, réécriture, intermédialité », directrice de la revue Italies, traductrice de littérature et de livrets d’opéra, elle a aussi traduit des chansons et est ACI. Elle est à l’initiative du réseau « Les ondes du monde » avec Joël July et Jean-Marie Jacono et codirige la collection « Chants Sons » des PUP, dont elle est directrice éditoriale. Elle a écrit/dirigé plus de 20 volumes, en particulier Réécriture et chanson dans l’aire romane (PUP, 2017), Chanson et parodie (PUP, 2018), ainsi que les actes de la première biennale, Cartographier la chanson contemporaine (PUP, 2019) avec J. July, J.-M. Jacono, S. Hirschi, S. Chaudier et C. Pruvost.

 

La samba, air de fête ou air de défaite ?

Session IV -  Mardi 2 avril - 10h40

La samba passe pour un air de carnaval et vu de l'Europe cela semble être le rythme du divertissement par excellence. Rares sont ceux (Pierre Barhou, Marcel Camus) qui ont perçu les failles que chante ce rythme claudiquant, cette harmonie dissonante, cette mélodie en demi-teinte. C'est pourtant la saudade infiniment nostalgique que veut chanter ce genre qui s'identifie au Brésil. Mais en entend-on la subtilité musicale? en écoute-t-on les paroles? On regardera de près quelques textes originaux de sambas autoréférentielles (la samba parlant de la samba), quelques traductions existantes (du portugais au français ou du portugais à l'italien), et également quelques chansons européennes ayant accueilli l'influence de ce genre, pour pouvoir dire si et pourquoi la samba est un air de fête.

 

Stefania BERNARDINI, Doctorante, Études italiennes

Université d’Aix-Marseille

Stefania BERNARDINI, estDoctorante à l’université d’Aix-Marseille – CAER. Elle prépare une thèse de doctorat en études romanes sous la direction de Perle Abbrugiati, dont le sujet est « Mythe et chanson ».

La malicieuse ambivalence de la parole contre le malentendu du lieu commun : l’écriture licencieuse de Fabrizio De André

 

Session VI – Mardi 2 avril – 16h30

   Fabrizio De André est considéré par la critique comme l’un des représentants les plus importants de la chanson italienne. Parmi les qualités qui lui ont permis d’acquérir cette reconnaissance, il y a sans doute la recherche thématique, l’élégance de la parole et son contrôle, l’attention portée aux formes et les précieux renvois littéraires, explicites ou cachés. Ces éléments confèrent à ses chansons une forte valeur littéraire. Il est capable de jouer sagement avec les mots jusqu’à arriver à tendre de véritables pièges à ses auditeurs qui, pendant l’écoute, se convainquent de quelque chose qui sera irrémédiablement démenti par l’auteur. Ces malentendus se jouent autant sur le plan linguistique-textuel que sur le plan moral, en s’accrochant à l’univers culturel du public. Une des thématiques abordées par cette stratégie est celle de la sexualité, que le sens commun perçoit trop souvent comme un élément qualifiant, qui définit les personnes grâce à une étiquette, plutôt que comme une pratique privée de l’individu.

   Pour montrer cette stratégie, on analysera deux chansons de Fabrizio De André, Bocca di Rosa et Andrea. Il s’agit de deux de ses chansons les plus connues mais, malgré cela, parmi les plus mal entendues.

 

Stéphane CHAUDIER, Professeur, Littérature française

Université de Lille

 

Stéphane CHAUDIER est Professeur de littérature à l’université de Lille, Stylicien, il est spécialiste de Marcel Proust (Proust et le langage religieux : la cathédrale profane, Honoré Champion,2004), du roman contemporain (Les vérités de Jean-Philippe Toussaint, PUSE,2016) et de chanson française. Il a dirigé le volume 3 de la collection « Chants Sons » aux PUP, Chabadababa. Des hommes et des femmes dans la chanson française contemporaine, 2018.

A chaque esthétique ses malentendus : Louise attaque vs Bénabar

Session V – Mardi 2 avril – 14h30

   Une fois que l’on a énuméré les principales sources linguistiques des malentendus qui trouent le message (les homophonies, les paronymies, les ambiguïtés morphosyntaxiques, les ellipses, les assemblages incongrus) et qui correspondent peu ou prou aux zones où s’investit la figuralité, il reste à savoir si la production poétique du malentendu ne doit rien à des effets de mode : la question du style y rencontre la question du temps. Louise attaque (1997) est par excellence l’album et l’emblème d’une poétique du malentendu liée à la volonté de dérouter ; l’auditeur adhère intensément à un univers sonore à propos duquel il est obligé de reconnaître qu’il n’y entend, n’y comprend, pas grand-chose. Les sens jouent contre le sens, si l’on peut dire. Bénabar, lui, pratique le malentendu concertant : il ne coupe pas l’auditeur du texte ou du contenu de la chanson ; mais il l’invite à se couper de lui-même pour découvrir à quel point il se comprend peu ou se connaît mal ; le passage par le malentendu vise à mieux s’entendre avec soi-même, dans une amitié renouvelée de soi à soi. Faut-il extrapoler et voir dans la poétique du malentendu une sorte de contrat politique liant l’émetteur et le récepteur de la chanson ? Aux uns, la création d’un monde fondamentalement inhabitable, insensé ; à l’autre, la gestion d’un monde où les malentendus sont faits pour être surmontés. Ne pas s’entendre ou finir par s’entendre : contestation radicale ou conciliation irénique ? Les deux postures sont idéalement opposées.

 

Khaled CHOUANA, Docteur en littérature anglophone

Université Paul-Valéry Montpellier 3

Khaled CHOUANA est docteur en littérature anglophone de l’université Paul- Valéry Montpellier 3. Sa thèse constitue une réflexion sur les compositions musicales et l’engagement politique et social de Bruce Springsteen. Il s’intéresse à la poétique de la chanson engagée américaine ainsi qu’à son efficacité. Il s’intéresse aussi à l’engagement des artistes américains auprès des classes défavorisées et leur opposition au capitalisme des corporations. Il porte enfin un intérêt particulier à l’action militante étatsunienne ainsi qu’à des questions liées à la justice sociale, la pauvreté et l’autonomisation des plus démunis en Amérique contemporaine.

Ambiguïté, incompréhension et esthétique dans la chanson engagée américaine contemporaine :

le cas de Born in the U.S.A (Bruce Springsteen, 1984)

Session VIII -  Mercredi 3 avril - 11h

 

   On a bien noté depuis longtemps toute l’ambivalence et, notamment, l’ironie dévastatrice aussi bien que constructive de la chanson emblématique Born in the the USA de Bruce Springsteen sortie en 1984. L’objet de cette communication est d’examiner les différents aspects ambivalents de l’une des chansons contestataires les moins bien comprises de l’histoire du rock contemporain. Je démontrerai que le succès commercial de Born in the USA et sa bonne réception aux États-Unis et dans les pays d’outre-Atlantique sont le fruit des ambiguïtés suivantes : ambiguïté #1: incompréhension du texte, ambiguïté #2: équivoque de l’artiste sur la pochette de l’album, ambiguïté #3: persona floue du chanteur dans le clip vidéo. Les différents aspects stylistiques de la chanson seront abordés en mettant un accent sur le point de vue réceptif (esthésis) et créatif (poïésis). En résumé, cette communication mettra l’accent sur le fait que la musique rock de Springsteen devient esthétique et peut se revendiquer comme un art populaire quand elle est ambivalente et qu’elle est sujette à différentes interprétations.

 

 

Joëlle-Andrée DENIOT, Professeure, Sociologie

 Université de Nantes

Joëlle-Andrée DENIOT, Professeure émérite de sociologie à Nantes, rattachée à l’UE C3S de l’université de Franche Comté, est spécialisée en socio-anthropologie du langage, de l’esthétique, des cultures populaires et des chansons.  De 2012 à 2018, outre plusieurs articles consacrés à la voix chantée, aux rapports entre chanson et théâtre, elle publie quatre ouvrages : Edith Piaf, la voix, le geste, l’icône, éd. Lelivredart (2012) ; Le Genre et l’Effroi d’après Judith Butler aux ed. du Lestamp (2013); avec A. Mouchtouris et J. Réault, Eros et liberté, éd.Le Manuscrit (2014); Le sentiment esthétique, Essai transdisciplinaire, Le Manuscrit (2018).

Les songs : du défi à la méprise

Session I – Lundi 1er avril - 14h

 

   En matière de malentendu dans la chanson, les songs brechtiens constituent une sorte de cas d’école. On sait que Bertolt Brecht et Kurt Weill développèrent une théorie de la chanson, de son énoncé, de son interprétation, de sa composition musicale cherchant à l’éloigner de ses vertus émotionnelles. Celles-ci étaient conçues comme éléments majeurs du dispositif du théâtre épique. Or ce qui advint échappa totalement à ces visées créatrices. Et cela à plusieurs niveaux. Au niveau de l’interprétation : il est couramment admis d’opposer dans Mère Courage la prestation chantée d’Hélène Weigel du Berliner à celle de Germaine Montero réalisée dans le cadre du TNP. Mais à y entendre de plus près, il s’agit plutôt d’une opposition idéologique ; car si leurs interprétations diffèrent en termes de voix et de métiers de « chanteuses », elles ne sortent ni l’une ni l’autre des appels empathiques de la chanson.  Et c’est au niveau de la réception que se glisse un autre conflit entre réception populaire et réception de puriste. Si - comme l’attestent les archives audio - le public du TNP fit un accueil enthousiaste aux performances chantées de Germaine Montero, les maîtres du goût du moment (Roland Barthes, Bernard Dort en tête) les dénigrèrent, ouvrant alors un débat qui curieusement perdure.

 

Yves ERARD, Maître d’enseignement et de recherche, Linguistique

Université de Lausanne (Suisse)

Yves ERARD est maître d’enseignement et de recherche à l’université de Lausanne (Suisse). Il développe une linguistique qui s’inspire de la philosophie du langage ordinaire (Wittgenstein, Austin et Cavell) pour étendre à la chanson  française ses réflexions sur le cinéma populaire, les séries télévisées, etc.


Le malentendu dans les chansons de rupture : quand la voix fait entendre la fin de l’écoute et la perte de la conversation

Session II - Lundi 1er avril - 17h

   Ma contribution aimerait transposer ce que dit le philosophe Stanley Cavell des comédies de remariage dans À la recherche du bonheur (Cavell : 2017) à ce que les chansons de rupture mettent en jeu : toutes deux commencent par une scène de séparation et continuent avec la tentation d’une seconde chance comme « […] ces amants-là ; Qui ont vu deux fois ; Leurs cœurs s'embraser ». Le couple ne s’entend plus : la chanson marque l’inaudible en faisant entendre une distorsion dans les voix. La musique donne corps au malentendu et à la dissonance (Jacono : 2004).
Les chansons de rupture nous montrent combien le malentendu est une menace et combien nos accords dans le langage sont fragiles. Elles figurent au niveau du couple l’accord plus général entre individus dans une société démocratique où les voix devraient être traitées à égalité (Laugier : 2015). La chanson de rupture nous apprend à considérer comment nous concevons l’amour, bien sûr, mais aussi comment nous concevons le lien social

 

Gerhild FUCHS, Maître de conférences, Études italiennes

Universität Innsbruck (Autriche)

Gerhild FUCHS est maître de conférences en études italiennes et philologie romane à l'université d'Innsbruck (Autriche). Elle est spécialiste de littérature, film et chanson de l'Italie du XXe siècle et de l'époque contemporaine (voir ses monographies sur Alessandro Baricco et sur « Les topographies littéraires de la Plaine du Po dans l’œuvre de Celati, Cavazzoni, Benati et autres », et ses articles sur Celati, Cavazzoni, Maraini, Malerba, Vassalli, Bertolucci, Pasolini, le groupe napolitain Almamegretta ou Renato Carosone). Elle dirige le Centre de documentation et de recherche sur la « musique à texte » de l’université d’Innsbruck (« Abteilung für Textmusik in der Romania ») et co-édite la revue électronique ATeM (Archives Texte et Musique) également spécialisée sur la « musique à texte ».

 

Fred Buscaglione et le malentendu de ‹ l’uomo duro ›

Session VII – Mercredi 3 avril - 9h

   Aujourd’hui encore, le souvenir toujours vivace (du moins en Italie) de Fred Buscaglione est lié avant tout à l’image du duro di Torino, surnom que lui avaient valu ses succès des années 1950. Dans des tubes célèbres comme Che bambola !Eri piccola così, Teresa non sparare, Che notte !  ou Whisky facile, Buscaglione s’inspire des films et des romans du genre hardboiled très en vogue aux États-Unis à l’époque. Il se glisse dans le rôle d’un gangster de New York ou de Chicago qui raconte ses aventures avec d’autres criminels et des femmes faciles (« bulli e pupe », selon ses mots) ainsi que son grand faible pour l’alcool. Le succès de ces chansons était largement dû à l’aspect extérieur de Buscaglione dont les fines moustaches à la Clark Gable ainsi que ses costumes et chapeaux accentuaient le style « gangster élégant ». Pourtant, à considérer de plus près que ce soit les paroles de ces chansons, la façon dont elles sont interprétées au niveau de l’intonation et de l’arrangement musical, ou encore leur mise en scène dans les vidéos ou les scènes de films, il est évident que l’artiste, tout en jouant à la perfection le rôle du « dur », ironise sur sa propre attitude. Notre analyse portera justement sur cette déconstruction subtile des images de virilité stéréotypées, transportées par l’imagerie hollywoodienne aussi bien que par la masculinité exacerbée de l’époque fasciste.

 

Małgorzata GAMRAT, Enseignante HDR, Musicologie

Academia Szłuki de Szczecin (Pologne)

Małgorzata GAMRAT est Docteure en sciences humaines (2012, Universite Jagellonne) et en musicologie (2013, EPHE, Paris), et HDR en sciences de l’art (2017). Elle enseigne à l’Académie de l’art de Szczecin. Ses recherches portent sur la culture européenne des XIXe et XXe siècles ; puis, sur les migrations des compositeurs et plus récemment sur la chanson française et la musique à la télévision. Auteure de plusieurs articles portant sur la littérature et la musique et de deux livres sur la musique de Franz Liszt (la musique pour piano, 2014 ; la musique vocale, 2016). Membre du Projet international de recherche sur la signification musicale, de la Société française d’analyse musicale, de The International Association for Word and Music Studies et du Groupe international de recherches balzaciennes.

 

La Chanson à la télévision :

les vedettes et leurs chansons inédites chez les Carpentier 

Session VII – Mercredi 3 avril - 9h30

   Dans les émissions cultes des Carpentier, plusieurs vedettes ont chanté des chansons écrites spécialement pour cette occasion. Elles ont été souvent interprétées dans des mises en scène très raffinées, mettant à l’épreuve les capacités de perception du spectateur : il lui fallait appréhender d’un seul coup la complexité du texte, les nuances de la musique et les effets « spectaculaires » qui leur étaient associés. Puis, le spectateur devait être capable de saisir le lien entre les chansons, ainsi qu’interpréter les sketchs et d’autres éléments du programme, sans oublier le large champ de références intertextuelles dont le texte, l’image et la musique étaient porteurs. À présent, les conditions d’accès à ce répertoire ont radicalement changé : les youtubers utilisent des extraits des émissions des Carpentier pour en faire des clips, les fans peuvent trouver les textes des chansons, inaccessibles auparavant, sur les sites des artistes, l’INA offre l’accès à l’intégralité de ces programmes. Nous pouvons dès lors appréhender et analyser ces chansons d’une manière bien différente qu’à l’époque de leur émission. Comment aborder, la question du malentendu induit par la complexité du show et le caractère ponctuel de l’accès à ces chansons, dans le cas d’un genre qui « ne laisse jamais assez de temps à l’auditeur » ? Telle est la problématique que j’aimerais poser, à partir de quelques exemples des émissions des Carpentier.

 

Catherine GENDRON, Docteure en sociologie

Université Paris Est Créteil

Catherine GENDRON est docteure en sociologie à l’université de Paris-Est Créteil (laboratoire LIRTES), et enseignante en lycée professionnel à St Brieuc (Bretagne). Elle est l’auteure d’une thèse soutenue en 2016, intitulée L’appartenance multiple comme condition de la construction des identités. L’exemple de la socialisation adolescente dans et par le rap français.

 

Le non-dit dans le dit, et inversement : l’exemple du rap français

Session V – Mardi 2  avril - 15h

   Le rap plaît, offusque, voire scandalise, mais ne laisse pas indifférent. Souvent, à l’origine de ces réactions se trouve le malentendu sur lequel jouent les rappeurs. Du malentendu-provocation pour attirer l’attention et faire passer un message au malentendu niché dans l’insulte rituelle, pour le « play » et pour le « game », en passant par le malentendu révélateur d’un héritage historique qui remonte aux temps de l’esclavage (par exemple, la double entente), tout passe par du jeu avec et sur les mots qui permet de dire sans dire, de faire « comme si ». Parmi les moyens utilisés par les rappeurs pour créer du malentendu, on trouve, par exemple, les figures de styles propres à la poésie, ou le cryptage.

   Mais le malentendu est avant tout une question sociale. Dans le rap français, il est généralement construit, calculé par le rappeur qui se base sur la connaissance qu’il a de son public, de son histoire supposée. En se construisant un public-modèle (Eco), il fait le pari d’une (mé)connaissance que ledit public a du chanteur et de son monde. En somme, les conditions de réussite du malentendu dépendent « du traitement de l’information dans le contexte social de son énonciation » (Wendling).

 

Jean-Marie JACONO, Maître de conférences, Musicologie

Université d’Aix-Marseille

Jean-Marie JACONO  est  maître de conférences en musicologie à l’université d’Aix-Marseille (laboratoire LESA). Ses travaux, dans le champ de la sociologie de la musique, ont été consacrés à la musique russe (thèse de doctorat sur l’opéra Boris Godounov de Moussorgski), à l’orientalisme musical du XIXe siècle, mais aussi aux musiques populaires modernes (chanson et rap). Auteur de nombreux articles sur le rap  marseillais et  le groupe IAM. Il est cofondateur, avec Perle Abbrugiati et Joël July du réseau international « Chanson : les ondes du monde » et de la collection « Chants Sons » (Presses universitaires de Provence).  Il a par ailleurs publié en 2015 (en codirection avec Lionel Pons), Henri Tomasi : du lyrisme méditerranéen à la conscience révoltée (Aix-en-Provence, PUP, 564 p.)

 

De la chanson de variété aux dimensions religieuses : le groupe

Les Prêtres en concert 

Session I – Lundi 1er avril - 15h

  Toute chanson est soumise à la variété de ses interprétations. Elle peut donner lieu à de nouveaux sens si ses paroles, ses dimensions musicales (tempo, rythme, mélodie) ou son arrangement sont modifiés. Pourtant, de nouvelles significations peuvent également apparaître en fonction des contextes d’interprétation, de diffusion et de réception. Le groupe Les Prêtres, formé au sein de l’Église catholique, amalgame chants religieux, chants traditionnels et chansons de variétés dans ses concerts. Peut-on pourtant entendre de la même façon Heal the world, de Michael Jackson, lorsque ce titre est repris par le groupe à la cathédrale de Rouen en 2010 ? Comment Les Prêtres conçoivent-ils leurs concerts ? S’agit-il simplement de divertir ? Au-delà des relations entre musique sacrée et musique profane, leurs interprétations musicales ne peuvent être cernées sans référence à l’approche marxiste du concept d’idéologie. Le succès de ce groupe dévoile une stratégie de pouvoir doux (soft power) pour concurrencer les groupes évangéliques sur leur terrain, au-delà du cadre de la liturgie. Il démontre enfin l’importance du cadre sociologique pour définir les significations d’une chanson.

 

Colette LUCIDARME, Doctorante en littérature française

Université polytechnique Hauts de France

 

Colette LUCIDARME est Doctorante en littérature française avec un travail de recherche sur les pratiques issues du jazz dans la chanson française (Calhiste, UPHF, Valenciennes). Titulaire de masters en littérature et musicologie. Primée comme auteure-compositrice-interprète de spectacles de chansons (Académie des Jeux floraux de Toulouse, Concours Yves Montand, Prix de la SACEM). Publications : « L’Influence du jazz sur la chanson française : quand le rythme bouscule la poésie » (HAL, Lille, 2016), « Bossa nova et cinema novo », dans Connaît-on la chanson ? Usages de la chanson dans les cinémas d’Europe et d’Amérique Latine depuis 1960 (Peter Lang, 2019).

 

Quelle musique quand la chanson parle de malentendu ?

Session IV – Mardi 2 avril - 11h10

   Elles ne sont pas rares, les chansons de ce début de siècle dont les paroles relatent des divergences (propos et actes incohérents, situations d’incompréhension, questions identitaires) comme autant de malentendus, reflets des contradictions et des interrogations de notre époque. Les textes exposent facilement ces discordances par des effets stylistiques utilisant le quiproquo, l’équivoque, l’ambivalence ou le jeu de mots. En revanche, l’accompagnement musical dispose de procédés moins explicites, entre analogie, correspondance et symbolisme, pour illustrer, soutenir ou atténuer les malentendus exprimés. Ainsi, le décalage rythmique devient le pendant indécis de l’ambiguïté quand ce qui va mal est entendu comme « tout va bien » (Patricia, Clarika, 2005). La répétition lancinante et les silences peuvent traduire simultanément l’ennui et la rage (Bradé, Carmen Maria Vega, 2018), la violence autant que l’amertume (Amériques latrines, Carmen Maria Vega, 2018). Le traitement vocal pourra se faire le symbole des questions d’identité sexuelle (Maman XY, Mademoiselle K, 2008 ; Trans, Carmen Maria Vega, 2018). Je propose d’analyser quelques stratégies musicales qui transigent sur le plus ou moins bien entendu pour mieux accompagner un malentendu exprimé par le texte.

 

Arnaud MAISETTI, Maître de conférences, Arts de la scène

Université d’Aix Marseille

 

Arnaud MAISETTI est maître de conférences en Arts de la scène à l’université d’Aix-Marseille, laboratoire LESA (EA 3274). Sa recherche porte sur les enjeux politiques des écritures contemporaines pour le théâtre. Il est l’auteur d’une biographie de Bernard-Marie Koltès parue aux éditions de Minuit en 2018.

 

Bob Dylan : Political world. Du malentendu politique

Session VIII – Mercredi 3 avril – 11h30

L’œuvre de Bob Dylan procède d’un malentendu bien connu : le jeune prophète de l’Amérique des années 60’, chantre des droits civiques, maître de la protest song, aurait trahi la communauté et la folk music en cédant rapidement aux sirènes de l’électricité, le rock, et ses délires poétiques peu soucieux du monde. Dylan lui-même aura donné le change à ce récit, dans ses entretiens – qui ont  toujours maintenu à distance la posture engagée, même dans les années de protest songs – ou dans le volume  récent de ses mémoires, Chroniques. 

Ce serait pourtant négliger une part importante de l’œuvre dans son ensemble, et réduire le politique à une intervention sociale. Tâcher de réévaluer l’enjeu politique de ces chansons à travers les années, ce ne serait pas réduire leur puissance poétique ; inversement, n’entendre que la puissance lyrique de ces textes – couronnés par le prix Nobel de littérature –, ce ne serait pas évacuer la part politique de ceux-ci : dans l'articulation des deux enjeux, il faudrait travailler à une définition du politique qui rendrait toute sa valeur au lyrisme. Et penser le malentendu du malentendu : Dylan politique, en dialogue avec le monde, dans le monde.

Danielle MARX-SCOURAS, Professeure, Études françaises et francophones

The Ohio State University (États-Unis)

 

Danielle MARX-SCOURAS est professeure d’études françaises et francophones à The Ohio State University (Columbus, Ohio). Elle a publié deux livres, La France de Zebda 1981-2004, faire de la musique, un acte politique (Paris: Editions Autrement, 2005) et The Cultural Politics of ‘Tel Quel’ : Literature and the Left in the Wake of Engagement (Penn State University Press, 1995), ainsi que de nombreux essais sur Albert Camus, les femmes et la guerre D’Algérie, Il Politecnico d’Elio Vittorini, Jean Sénac, la théorie littéraire, Driss Chraïbi, et la musique populaire. Elle a aussi réalisé cinq Visio-concerts avec Zebda, Moussu T et lei Jovents, et les Femmouzes T. Elle prépare un livre intitulé Rock the Hexagon : Popular Music and Identity Politics in France Today.

Le « je ne sais quoi » de Zebda: un art de métèques

Session II – Lundi 1er avril - 16h30

 

  Musique festive, paroles ironiques et souvent dérisoires, l’art musical de Zebda est plein de malentendus. Saltimbanques sur scène mais militants dans leurs démarches politico-culturelles (Motivé-e-s, Tactikollectif, groupes Motivés et Origines Contrôlées), Zebda « échappe à toute définition » (Nick Sansano). En voulant tracer certains moments clefs de leur trajectoire des années ‘80 à aujourd’hui, nous souhaitons démêler les soi-disant malentendus d’une musique (et politique culturelle) qui refuse de se cantonner sous une étiquette beur et montrer plutôt comment leur art de métèques apporte « un je ne sais quoi de ma race» (Magyd Cherfi) à la fameuse devise républicaine tout en subvertissant la notion de « francité´». 

 

Ursula MATHIS-MOSER, Professeure, Littératures française et francophone,

Universität Innsbruck (Autriche)

Ursula MATHIS-MOSER est professeure émérite au Département de langues et littératures romanesde l’université d’Innsbruck et directrice du Centre d’études canadiennes (1997-). Elle a dirigé, pendant de longues années, le Centre de recherche Cultures en contact (2005-2012), le Centre d'étude de la chanson québécoise (1995-2015) et les archives Texte et musique (1985-2015) de l’université d’Innsbruck. Domaines de recherche : les littératures française et francophone, la transculturalité, les littératures de la migration, les théories postcoloniales et l’intermédialité.

 

Boris Vian et les équivoques du Déserteur

Session VI – Mardi 2 avril - 17h

   Écrite en février 1954, composée avec Harold B. Berg et enregistrée dans sa forme définitive en 1955, le ‚malentendu‘ du Déserteur se situe à deux niveaux : à celui d’abord du contraste entre le texte qui appelle à la révolte (et à la désertion) et l‘habitus musical-interprétatif qui suggère le contraire d‘une révolte ; à celui ensuite de la double fin et, jusqu’à un certain degré aussi, du double début du Déserteur. « Monsieur le Président » et « Messieurs qu’on nomme grands » sont des formules d’appel bien différentes tout comme « je sais tirer » et « ils pourront tirer » à la fin de la chanson ont un impact bien différent sur l‘auditeur. L’intervention cherchera à démêler la nature et les effets de ces deux ‚malentendus‘ pour examiner par la suite certaines (des plus de 250) reprises de la chanson de Vian, en espérant d‘éclairer la question pourquoi des chansons‚ faites pour la provocation‘ peuvent devenir ‚des tubes‘.

 

Birgit MERTZ-BAUMGARTNER, Professeure, Littératures francophone et hispanophone, Universität Innsbruck (Autriche)

Birgit MERTZ-BAUMGARTNER est professeure de littérature française/francophone et espagnole/hispanophone au Département de Langues Romanes à l'université d'Innsbruck. Ses recherches portent sur les littératures francophones (du Québec et du Maghreb), des auteurs migrants (co-éditrice, avec Ursula Moser, de Passages et ancrages en France. Dictionnaire des écrivains migrants, 2012), les nouvelles écritures de l'Histoire et les théories post-coloniales. Elle co-édite, avec Gerhild Fuchs, la revue électronique ATeM, consacrée à la Popular Music dans les pays de langues romanes.

 

Le sérieux et le festif chez Manu Chao : une relation controversée

Session IV – Mardi 2 avril - 11h40

   De nombreuses chansons de Manu Chao se caractérisent par un clivage déconcertant entre sujet traité et mise en musique. Dans Clandestino (1998),  Welcome to Tijuana  (1998),  La chinita  (2001), La vaca loca (2001) ou Me llaman calle  (2007), etc. des thèmes ‘sérieux’ comme l’immigration illégale, la drogue, la crise de la vache folle, la prostitution contrastent avec une musique ‘légère’ et gaie qui fait danser l’auditoire. Dans une critique d’un spectacle live de Manu Chao en Espagne en 2013, la revue Hola ! décrit le style particulier de l’artiste comme « coctel de fiesta y compromiso social ». Dans son étude sur la musique de ‘proteste’ en France, Barbara Lebrun souligne, de sa part, la fusion, très réussie chez Manu Chao, entre le « proteste » et le festif (« festivity », « joyfullness »).

   S’agit-il d’une ‘fusion’ recherchée par Manu Chao pour des motifs économiques, une concession donc à l’industrie du disque et les chiffres de vente ? – ce qui remettrait bien en question l’engagement de l’artiste contre la globalisation et les inégalités sociales. Ou, y-a-t-il d’autres lectures possibles de cette fusion entre légèreté, festivité et engagement social ? Quelles informations pouvons-nous tirer d’une lecture attentive des chansons ‘poétologiques’ comme Malegría, Lágrima de oro  ou Mr. Bobby ?

 

Margherita ORSINO, Professeure, Littérature italienne

Université de Toulouse Jean-Jaurès

Margherita ORSINO est professeure de littérature italienne contemporaine à l'université de Toulouse Jean-Jaurès. Elle est membre de l'équipe CEIIBA où elle coordonne une section consacrée aux études culturelles dans l'aire romane: "contre-archives minoritaires et cultures subalternes", membre de l'intitut IRPALL où elle s'occupe d'un programme intitulé "opera contro", dans le cadre duquel elle a organisé en 2017 et 2019 deux journées d'études sur la "chanson de lutte" et sur la "chanson hors la loi" et membre du réseau genre: Arpège. Elle est traductrice de poésie contemporaine vers l'italien (revue: Anterem Vérone). Mots-clé:   Poésie, études culturelles, études postcoloniales, contre-culture.

 

O que será de Chico Buarque – Tu verras de Claude Nougaro.

 Deux chansons en regard

Session III – Mardi 2 avril – 9h

   La chanson de Chico Buarque de Hollanda O que será (A flor da pele), naît comme musique du film Dona Flor et ses deux maris (1976), tiré d’un roman de Jorge Amado. Buarque écrit trois mouvements qui accompagnent le film et qui deviennent trois morceaux très connus et souvent repris : Abertura, A Flor da pele et A Flor da terra. Ce film culte est une comédie allégorique, situé dans le Bahia contemporain, qui raconte l’amour d’une veuve pour ses deux maris successifs ; le premier, pauvre et frivole mais très beau et brillant, revient de chez les morts pour faire l’amour à sa femme, alors que l’autre, sage et aisé mais disgracieux et tristounet, ne le voit pas et ne s’aperçoit pas de cet étrange ménage à trois. Mais la chanson va avoir une vie et une évolution au Brésil bien au-delà du film et devient un tube international. Les paroles d’origine constituent un texte poétique de caractère universel sur la condition humaine, sur la pauvreté, sur le mal-être moral et social de tout un peuple au temps de la dictature (époque des gouvernements de la droite militariste « ARENA »). Lorsque Claude Nougaro reprend ce tube brésilien en 1978, il en transforme complètement le texte et en partie le style…

 

Ricardo NOGUEIRA de CASTRO MONTEIRO, Professeur, Musique et sémiotique, Universidade Federal do Cariri (Brésil)

Ricardo NOGUEIRA de CASTRO MONTEIRO  termine ses études musicales à l’université de São Paulo en 1991, et passe dans la même institution, son Master en Lettres (1997) et son Doctorat en linguistique (2002). Il a été l'un des fondateurs des cours de Musique brésilienne et de Production musicale à l’université Anhembi Morumbi, où il a enseigné de 2007 à 2016. Depuis 2016, il occupe la chaire de Composition, direction d’orchestre et de sémiotique à l’université fédérale du Cariri (UFCA) au Ceará, Brésil, où il dirige un groupe de recherches sémiotiques, tout en étant chef de l’Orchestre de l’UFCA et en dirigeant le nucleus de théâtre musical de l’université.

 

La chanson populaire brésilienne aux temps du régime militaire : le malentendu comme forme de résistance

Session VII- Mercredi 3 avril – 10h

   Entre 1964 et 1985, le Brésil était plongé dans une période de ténèbres sous l’autoritarisme d’un régime militaire. La musique populaire du pays, qui vivait encore une phase particulièrement florissante esthétiquement et politiquement, devrait se taire ou s’aliéner pour éviter une interdiction en vertu de la censure préalable des chansons – qui était devenue compulsive – et/ou la prison et même la torture, parfois suivie de mort, des chansonniers. Malgré tout cela, les compositeurs ont développé une stratégie rhétorique sophistiquée pour faire face au défi de narguer le sévère contrôle des autorités et ainsi de maintenir leur rôle de révéler où se cachaient les peines sociales, morales et personnelles de leur temps : l’emploi systématique du double sens. Popularisé au Brésil par son usage humoristique au début du XXe siècle, les malentendus intentionnels servirent alors non pas pour provoquer le rire, mais pour camoufler la haine, la révolte et les cris sourds dissimulés sous la voix douce des chansonniers. Un développement originel de cette esthétique du malentendu fut la métaphore récurrente de la liberté politique par la représentation de la liberté sexuelle, en représentant fréquemment dans la vie privée un désir de transgression amoureuse qui masquait l’ambition muette d’une révolution au niveau social. Dans le corpus proposé, une analyse de la chanson  Joanna Francesa  (« Joanna, la Française »), de Chico Buarque de Hollanda, un des plus importants représentants de cette esthétique.  

 

     Lello SAVONARDO, enseignant, Sociologie

Università Federico II de Naples (Italie)

Lello SAVONARDO est chargé des cours « Théorie et Techniques de la Communication » et « Communication et Culture juvéniles » auprès du département des Sciences sociales de l’université de Naples Federico II. Il a été le Secrétaire général de l’Association italienne de sociologie (AIS) et il coordonne l’Observatoire jeunes de l’université Federico II. Parmi ses principales publications figurent : Sociologia della Musica. La costruzione sociale del suono, dalle tribù al digitale (Turin, 2010) ; Bit Generation. Culture giovanili, creatività e social media (Milan, 2013); Sociologie de la musique. Construction sociale du son des tribus au numérique, (Belgique 2015); Pop music, media e culture giovanili. Dalla Beat Revolution alla Bit Generation (Milan 2017).

 

Sens, dissension et messages sous-jacents dans le rap et la chanson d’auteur en Italie

Session V – Mardi 2 avril – 15h30

   La contribution proposera une réflexion sur les provocations linguistiques, l’ironie, l’esprit contestataire et les métaphores qui lui sont liées dans quelques morceaux de la chanson d’auteur et des productions musicales des rappeurs qui caractérisent le paysage musical italien. Des artistes comme Edoardo Bennato ou des formations comme les 99Posse expriment souvent des messages sociaux et politiques à travers des moyens détournés. Dans la production d’Edoardo Bennato, par exemple, on trouve souvent des personnages de contes, comme Pinocchio, Peter Pan ou le joueur de flûte, qui lancent des messages sociaux au moyen d’un langage apparemment conciliant et facilement accessible aux adolescents. Les métaphores des rappeurs sont beaucoup plus directes mais tout aussi ironiques envers le système. Nous entendons souligner comment à travers l’ironie et la métaphore certains artistes italiens expriment une contestation même quand le sens n’est pas explicite.

 

Giuliano SCALA, Doctorant, Études italiennes,

Université d’Aix-Marseille

Giuliano SCALA est actuellement en doctorat de langues littératures et civilisation romanes à l’université d’Aix-Marseille (CAER) sous la direction du professeur Perle Abbrugiati, en co-tutelle avec le département de sciences sociales de l’université de Naples Federico II, sous la co-direction du Pr. Lello Savonardo. Son sujet de thèse est l’auteur chanteur compositeur napolitain Pino Daniele, le syncrétisme musical de son ouvre et les traces qu’il a laissées dans la culture pop de la ville de Naples ainsi son influence sur la chanson napolitaine contemporaine. En outre, il est enseignant d'italien au Collège/LycéeBelsunceà Marseille et formateur d’italien à EcoCampus Provence à Manosque. En 2018 il a participé au colloque international « Naples et Marseille deux métropoles transculturelles de Méditerranée » à l’université d’Innsbruck.

 

Levate 'a pistuldà : la décapante traduction d’ un tube américain.

Session III – Mardi 2 avril -  9h30

    En 1943, aux États-Unis sortait Pistol Pakin’ Mama, une chanson pop interprétée par le chanteur country américain Al Dexter: La chanson fut un grand succès,  gagnant rapidement la tête de la Billboard Hot 100, classement hebdomadaire des 100 chansons les plus populaires des États-Unis. La même année, les soldats américains entrèrent à Naples, la libérant ainsi définitivement de l’oppression nazie.

   Ces ‘mericani, comme les appelaient les Napolitains, amenèrent avec eux et distribuèrent à la population une grande quantité de cigarettes, de produits alimentaires, de bonbons et  de vinyles. Pistol Pakin’ Mama  était le hit du moment et il n’était pas rare de l’entendre dans les ruelles de la ville, depuis les fenêtres des maisons où les soldats s’entretenaient avec les segnurine. La chanson était désormais connue à tel point que les scugnizzi, les enfants des rues  de Naples, en créèrent une version en langue napolitaine. Ce n’était pas une traduction mais une réécriture complète des paroles. Dans la version napolitaine le refrain de la chanson « Lay the pistol down» était devenu « E levate ‘a pistuldà »  une sorte de « napolétanisation » de l’américain suivi d’une insulte envers les occupants d’outre-Atlantique. Les nouvelles paroles de cette version napolitaine racontaient ce qui se passait dans la ville entre marché noir, prostitution, contrebande et famine...

 

Jacopo TOMATIS, ATER, Musicologie

Università degli Studi de Turin (Italie)

JACOPO TOMATIS est attaché temporaire d’enseignement à l’université de Turin, où il dispense le cours de Popular Music. Il a obtenu son doctorat en musique et spectacles en 2016, à Turin, sous la direction de Franco Fabbri. Il a publié des articles et des chapitres sur la chanson italienne, notamment sur la chanson d’auteur et les cantautori. Sa première monographie – une histoire culturelle de la chanson italienne – a été publiée en 2019. Il est aussi critique musical : depuis 2008, il est rédacteur du mensuel Il giornale della musica, où il dirige les pages dédiées à la chanson, au folk, au pop-rock et à la musique du monde.

 

L’enfant et les malentendus :

chanter des chansons sans en comprendre le texte

Session I – Lundi 1er avril - 14h30

 La totalité des définitions de « chanson » – de celle de Dante, « opera compiuta di chi compone con arte parole armonizzate per una modulazione », à celle proposée par Stéphane Hirschi, « un air fixé par des paroles » – souligne une liaison organique entre musique et paroles, ainsi qu’une centralité du texte.

   Dans les études sur la chanson, l’analyse du texte a souvent été davantage mise en avant que celle de la musique. Mais faut-il comprendre le texte d’une chanson pour l’aimer – et pour la chanter ? Si l’on observe la façon dont les enfants apprennent et reproduisent les chansons « des adultes », on peut remarquer que la compréhension du sens du texte n’est pas fondamentale (et moins que jamais sa jouissance esthétique). Souvent, les enfants ne comprennent pas le sens de ce qu’ils chantent ; ils se limitent à répéter des paroles, ils déforment parfois les mots, etc.

   Dans cette communication, je voudrais réfléchir sur la réception des chansons par les enfants, en analysant des morceaux de musique – de genre pop, ou  d’auteur  – qui ont étés « déformés » ou mal compris. En considérant ce genre de malentendus non pas comme des erreurs, mais comme l’une des modalités « normales » à travers lesquelles la popular music est diffusée et écoutée, on pourra aussi réfléchir sur le rôle du texte dans la diffusion, la réception et le succès des chansons.

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